Pétition contre la loi anti-LGBTIQ+ hongroise
Le 13 février 2023, la procédure d’infraction engagée par la Commission européenne visant la loi hongroise de 2021 contre la « propagande LGBTIQ+ » a été publiée au Journal officiel de l’UE. Ce jour-là, Forbidden Colours, la Société Háttér et Reclaim ont lancé une pétition à l’échelle européenne pour demander à tous les États membres de l’UE de fournir des « observations écrites » à la Cour de justice de l’UE concernant cette affaire.
Avec au moins 20 États membres susceptibles de s’engager, cette procédure d’infraction devrait devenir la plus grande procédure d’infraction aux droits humains jamais portée devant la Cour de justice de l’Union européenne. Cette affaire est non seulement importante pour mettre fin à la censure actuellement subie par les personnes et les organisations LGBTIQ+ en Hongrie, mais aussi pour protéger toutes les personnes LGBTIQ+ de l’UE contre l’adoption de lois similaires dans leur pays.
L’adoption de la loi et la procédure d’infraction
Le 15 juin 2021, le Parlement hongrois a adopté la loi LXXIX de 2021 sur la prise de mesures plus sévères contre les délinquants pédophiles et modifiant certaines lois pour la protection des enfants. L’objectif initial du projet de loi était de rendre plus efficaces la prévention, la détection et la répression des infractions pénales sexuelles contre les mineurs.
Cependant, des amendements de dernière minute ont introduit des dispositions anti-LGBTIQ+ dans cette loi. En particulier, la loi a modifié la loi sur la protection de l’enfance, la loi sur la protection de la famille, la loi sur l’éducation publique nationale, la loi sur la publicité et la loi sur les médias pour introduire une interdiction d’accès des mineurs à tout contenu qui « propage ou représente une divergence de l’identité correspondant au sexe à la naissance, le changement de sexe ou l’homosexualité ». Avec ces modifications de dernière minute, la soi- disant « loi sur la protection de l’enfance » est devenue la version hongroise de la loi contre la « propagande LGBT » adoptée en Russie en 2013.
Le 15 juillet 2021, la Commission européenne a annoncé le lancement d’une procédure d’infraction contre la Hongrie concernant cette loi. La Commission a estimé que cette soi- disant «loi sur la protection de l’enfant» violait certains textes législatifs de l’UE, comme la directive sur les services de médias audiovisuels, la directive sur le commerce électronique et la directive sur les services. a souligné que les « dispositions [de cette loi] violent également la dignité humaine, la liberté d’expression et d’information, le droit au respect de la vie privée ainsi que le droit à la non-discrimination » inscrits dans la Charte des droits fondamentaux de l’UE. Enfin, elle a estimé que la loi violait nos valeurs européennes communes énoncées à l’article 2 du traité sur l’Union européenne. a souligné que les « dispositions [of that law] violent également la dignité humaine, la liberté d’expression et d’information, le droit au respect de la vie privée ainsi que le droit à la non-discrimination » inscrits dans la Charte des droits fondamentaux de l’UE. Enfin, elle a estimé que la loi violait nos valeurs européennes communes énoncées à l’article 2 du traité sur l’Union européenne .
De plus, comme le dénonce Eurochild, cette loi « viole clairement les droits de l’enfant tels qu’énoncés dans la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant à laquelle la Hongrie est liée depuis 1991. Les enfants ont le droit à un développement sain, à la liberté d’expression, à une identité propre, à une éducation inclusive et à un accès à la justice. Cette législation viole tous ces droits et risque de nuire aux enfants qu’elle prétend protéger ».
Après un dialogue infructueux avec la Hongrie, la Commission européenne a annoncé le 15 juillet 2022 que l’affaire serait portée devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Pourtant, Forbidden Colours a dû mener une campagne de plaidoyer pour pousser la Commission européenne à agir. Celle-ci a finalement déposé plainte à la Cour le 19 décembre 2022, une plainte publiée au Journal officiel de l’UE le 13 février 2023. À compter de cette publication, les États membres de l’UE ont six semaines pour soumettre des « observations écrites » à la CJUE sur ce dossier.
Une pétition pour appeler les États membres à respecter leurs engagements
Le 13 février 2023, Forbidden Colours, en collaboration avec Háttér Society et Reclaim, a lancé une pétition européenne pour rappeler aux États membres de l’UE leurs engagements et leur demander de porter des « observations écrites » à la CJUE d’ici le 27 mars 2023. Ce faisant, ces pays déclareraient leur plein soutien à la protection et à la défense des droits fondamentaux des personnes LGBTIQ+ dans leur pays et dans l’Union européenne.
Forbidden Colours rappelle que 19 États membres avaient exprimé haut et fort leur soutien au respect des droits humains des personnes LGBTIQ+ quelques jours seulement après l’adoption de la loi.
Le 22 juin 2021, 18 États membres se sont joints à une déclaration initiée par la ministre belge des Affaires étrangères, Sophie Wilmès, condamnant la loi hongroise et demandant à la Commission européenne « d’utiliser tous les outils à sa disposition pour assurer le plein respect du droit de l’UE ».
Deux jours plus tard, le 24 juin 2021, 16 chef·fes d’État et de gouvernement de l’UE ont signé une déclaration commune s’engageant à « continuer à lutter contre la discrimination envers la communauté LGBTI, en réaffirmant[the] la défense de leurs droits fondamentaux ». Toustes se sont déclaré·es « engagé·es à poursuivre cet effort, en veillant à ce que les futures générations européennes grandissent dans une atmosphère d’égalité et de respect »
De plus, le 17 mai 2021 – Journée internationale contre l’homophobie, la biphobie et la transphobie, 14 États membres de l’UE avaient signé une déclaration diplomatique sur la protection des personnes LGBTIQ+ dans l’Union européenne. Un mois avant l’adoption de la loi hongroise contre la « propagande LGBT », ces États membres se sont engagés « à développer conjointement une stratégie pour soutenir, le cas échéant, les institutions européennes dans les affaires judiciaires où la protection des valeurs de l’UE en général et les personnes LGBTIQ en particulier sont en jeu » .
La publication de la procédure d’infraction contre la Hongrie donne aux États membres de l’UE l’occasion de traduire ces déclarations en actes. Il est désormais attendus d’eux qu’ils montrent leur plein soutien aux valeurs fondamentales de l’UE que sont l’inclusion, l’égalité et la protection des droits humains des personnes LGBTIQ+.
En signant la pétition mise en ligne, les citoyen·nes endossent une lettre que les trois organisations enverront aux ministres des Affaires étrangères de l’UE leur demandant de respecter leurs engagements et de fournir des « observations écrites » sur cette procédure d’infraction.
Forbidden Colours, Háttér Society et Reclaim sont confiants sur le fait qu’au moins 20 États membres devraient se joindre à cette procédure, ce qui en ferait la plus grande affaire relative aux droits humains jamais portée à l’attention de la CJUE.
Censure LGBTIQ+ : un impact dévastateur sur les jeunes LGBTIQ+
En janvier 2023, soit un an et demi après l’adoption de la loi, Háttér Society a publié un rapport sur son impact considérable et dévastateur. L’organisation rapporte que les discours publics hostiles et les actes LGBTIphobes sont en augmentation depuis l’adoption de la loi.
L’imprécision des termes utilisés dans la loi – tels que « représentation » ou « propagation » – a créé un fort effet dissuasif dans la société hongroise. Par crainte d’éventuelles sanctions, l’autocensure est devenue la règle. Les médias refusent toute diffusion qui touche à des sujets LGBTIQ+. Les enseignant·es et les psychologues scolaires craignent de répondre à toute question concernant des sujets LGBTIQ+, de peur de perdre leur emploi.
Les organisations de la société civile qui travaillent sur les droits humains et l’éducation civique se sont vues refusé l’accès aux écoles à moins qu’elles promettent de ne pas aborder les questions LGBTIQ+, même si ce sont les élèves elleux-mêmes soulèvent ces questions. Aucune organisation de la société civile n’est plus autorisée pour le moment à organiser des cours d’éducation sexuelle et relationnelle dans les établissements d’enseignement publics.
Garder le silence peut protéger les professionnel·les des médias et de l’éducation contre les sanctions. Cependant, ce cadre de censure place les enfants appartenant à une minorité sexuelle ou de genre dans une situation précaire.
La soi-disant « loi sur la protection de l’enfance » laisse en fait les enfants LGBTIQ+ seuls alors qu’iels sont souvent victimes d’intimidation, de stigmatisation et même de violence.
Háttér conclut que « la loi ne protège pas les enfants. Elle les protège des informations vitales pour leur développement en tant qu’êtres humains bien informés et ouverts d’esprit qui respectent la diversité sexuelle et de genre et, en fin de compte, l’égale dignité humaine. La prétention de protéger les enfants ne doit pas être à la base d’un cadre juridique qui encourage la discrimination, stigmatise les minorités sexuelles et de genre et, surtout, viole le droit des enfants à une éducation incluant des informations objectives, impartiales et complètes sur la diversité sexuelle et de genre.”
« Le gouvernement de Viktor Orbán utilise la protection de l’enfance comme excuse pour restreindre les droits des enfants et la liberté d’expression – tout comme dans la Russie de Poutine, où une loi similaire a étouffé les médias et exposé les enfants et les jeunes LGBTIQ+ à un risque accru de discrimination et d’automutilation. Les États membres doivent s’unir à la CJUE pour mettre cette politique haineuse dans les poubelles de l’histoire et s’assurer qu’aucun État membre ne la reproduira jamais. »
« Nous demandons aux États membres de se joindre à la procédure d’infraction et de soutenir la Commission européenne. La croisade lancée par le gouvernement hongrois contre les personnes LGBTIQ+ doit cesser. La loi dite de « protection de l’enfance » viole non seulement le droit des enfants à l’éducation et à l’accès à des informations objectives, critiques et diverses sur la sexualité et la diversité des genres, mais a un effet dissuasif plus large et élimine les discussions sur les droits et les sujets LGBTIQ+ du discours public. Il s’agit d’une attaque sans précédent contre les droits des personnes LGBTIQ+, et les États membres peuvent y mettre un terme en s’associant à la Commission. »